Article spécialisé paru dans le magazine Prévoyance Professionnelle Suisse, novembre 2020

Coronavirus: La perspective de l’assureur-vie

Les assureurs-vie sont, malgré les progrès de la médecine, toujours confrontés au risque d’une hausse de la mortalité consécutive à des maladies infectieuses pandémiques. Il y aura également des pandémies dans le futur, mais il est impossible de prévoir à quel moment et quelles seront leurs répercussions sur la mortalité et l’invalidité. Comment, dans ce contexte, un assureur-vie peut-il se préparer au risque de pandémie?

 Le risque de mortalité a diminué au cours des derniers siècles. Malgré les progrès médicaux tels que les antibiotiques, les médicaments antiviraux et les vaccins, les compagnies d’assurance vie sont toujours confrontées au risque de hausse de la mortalité suite à des maladies infectieuses pandémiques. Les pandémies de grippe se manifestent à intervalles irréguliers. En effet, 400 ans avant J.-C., le médecin grec Hippocrate décrivait une pandémie et une documentation plus précise nous a fourni, depuis le Moyen-Âge, des connaissances relativement bonnes des pandémies.

Au cours des 300 dernières années, 13 pandémies de grippe ont été enregistrées, survenant à intervalles irréguliers. Entre deux et 56 ans s’écoulaient entre deux épidémies. En raison des événements historiques, la probabilité d’une pandémie globale est de 3 à 4% par an. Suite aux dernières pandémies en 2009 (grippe porcine), en 1968/69 (grippe de Hong Kong), en 1957/58 (grippe asiatique) et en 1918 (grippe espagnole), la pandémie actuelle de SARS-CoV-2 s’inscrit bien dans cette périodicité. 

Des pandémies se déclareront également à l’avenir, mais personne ne sait quand et avec quelles répercussions. Comment un assureur-vie peut-il se préparer au risque de pandémie dans cette situation?

Business Continuity Management: prévoir des plans d’urgence 
Il est impératif, et ce pour toutes les entreprises, d’assurer les activités opérationnelles de l’entreprise pour le cas où les collaborateurs ne pourraient pas se rendre sur leur lieu de travail en raison des restrictions de mouvement imposées. La situation au début du confinement lié au coronavirus a montré l’importance capitale d’un bon Business Continuity Management. 

En raison de la mobilité élevée de la population, un nouveau virus se propage aujourd’hui très rapidement sur toute la planète. Pour limiter la diffusion, des restrictions drastiques de la liberté de mouvement peuvent être nécessaires d’un jour à l’autre. Concrètement, il reste souvent peu de temps pour les préparations, c’est pourquoi les plans d’urgence doivent être prêts avant. 

La numérisation croissante du monde du travail a permis, tout au moins dans le secteur tertiaire (télétravail et Internet), de relativement bien répondre à cet aspect de la gestion de la pandémie.

Les risques actuariels: mortalité et invalidité 
Le risque le plus manifeste en cas de pandémie est, pour un assureur-vie, le risque de décès. Lorsqu’une pandémie est à l’origine d’une surmortalité, elle entraîne pour les assureurs-vie une augmentation immédiate des prestations en cas de décès. Les produits d’assurance-vie offrent, en règle générale, une couverture d’assurance complète pour le décès et l’invalidité en raison d’un virus pandémique. 

L’assurance contre de tels risques est justement l’objectif des produits de risque correspondants mais, d’un autre côté, en raison des antécédents et des pathologies préexistantes, il est souvent difficile d’établir un lien de cause à effet entre le décès ou l’invalidité et le virus pandémique.

Approches pour une gestion des risques de pandémie pour les assureurs-vie 
Comme il a été évoqué plus haut, la probabilité d’occurrence d’une pandémie peut être grossièrement évaluée. Les exigences de solvabilité prescrivent aux compagnies d’assurance de réserver des capitaux pour le risque de pandémie. Ce capital de risque entraîne des coûts de capitaux qui devront être pris en compte dans les primes pour les produits de risque. En d’autres mots: les compagnies d’assurance-vie prennent en compte et prévoient les pandémies en réservant un capital suffisant pour cet événement. Les clients peuvent donc compter sur une protection en cas de pandémie. 

Pour une compagnie d’assurance, le risque de pandémie ne se laisse pas réduire par une diversification internationale puisqu’une pandémie est globale par définition. Les assureurs-vie peuvent gérer le risque de pandémie en fonction du goût du risque et de la capacité au risque de l’entreprise en cédant une partie du risque à des réassureurs. Ces derniers ne pouvant pas non plus bien diversifier le risque de pandémie, l’assurance stop-loss très efficace pour le risque de pandémie dispose de capacités limitées.

Les Mortality Cat Bonds, qui permettent de transférer directement le risque de pandémie au marché des capitaux, représentent des solutions modernes utiles. Il sera intéressant de voir si la pandémie actuelle de SARS-Cov-2 entraînera une hausse de la mortalité qui conduirait finalement à des pertes pour les Mortality Cat Bonds en circulation. 

Perspectives: risques et opportunités pour les compagnies d’assurance vie 
Le virus SARS-CoV-2 qui nous occupe actuellement n’a pas seulement des répercussions néfastes pour l’assurance du risque décès. Les dommages consécutifs aux infections COVID-19 seront plus fréquents, mais également plus chers en termes d’assurance des personnes, à savoir l’assurance d’indemnités journalières en cas de maladie (IJM). Par ailleurs, il y a tout lieu de penser que l’économie marquée par la pandémie entraînera indirectement une hausse de la charge des sinistres pour l’IJM. 

Ce qui se dessine d’ores et déjà à court terme dans le domaine des produits d’invalidité laisse augurer de ce qui attend les compagnies d’assurance-vie dans le domaine des produits de rente d’invalidité. Il existe de plus en plus de rapports sur les atteintes persistantes à la santé consécutives au COVID-19 qui pourraient conduire à une invalidité. En plus des futurs cas d’invalidité durable, l’environnement économique souffrira lui aussi de la pandémie. Ce dernier peut à son tour entraîner une pression croissante sur les salariés et donc une augmentation sensible des maladies psychiques et des invalidités concomitantes. 

Pour les compagnies d’assurance-vie, une pandémie est synonyme de risques, mais également d’opportunités. En effet, la population réfléchit davantage aux risques de décès et d’invalidité durant ces périodes. Les éventuelles conséquences financières d’une contamination avec un virus pandémique sont elles aussi thématisées. Pour ces risques, les assureurs-vie devraient présenter aux preneurs d’assurance leurs éventuelles lacunes de couverture et leur proposer des solutions de produits adaptés pour couvrir les risques de décès et d’invalidité. L’assurance peut ainsi apporter une contribution importante à une société plus solide.

NOTES SUR LA PERSONNE
Claude Schwarz
Chief Underwriting Officer

Article «Coronavirus: La perspective de l’assureur-vie»

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